Autisme et alimentation: de l’enfance à l’âge adulte

L’autisme affecte de nombreux aspects de la vie quotidienne et, bien que l’on en parle peu, l’alimentation en fait partie!

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Les enfants, au fur et à mesure qu’ils grandissent, vont forger leurs goûts. Certains seront plus aventuriers et accepteront de tenter des aliments nouveaux, d’autres beaucoup moins. Influencés par la cantine, leurs repas chez mamie ou la nounou, le contenu des repas peut vite devenir un casse-tête pour les parents. Toutefois, avec un enfant TSA, la difficulté est tout autre. Trop souvent confondu avec des caprices et/ou « faire la fine bouche », il s’agit simplement de faits incontrôlables mais, difficilement explicable quand on est jeune. Les comportements alimentaires inhabituels sont en effet très courants chez les TSA [88]. Il y a globalement cinq points affectant la sélection de la nourriture chez eux [87][88] :
– comportements répétitifs / restrictifs
– trouble de régulation sensorielle
– réponse sensorielle disproportionnée
– maladies fréquentes / mal-être ou gêne physique
– peur de la nouveauté

Tout d’abord, on trouve l’obsession. Vous allez dire tous les enfants adorent un aliment et ne veulent que celui là. Certes. Mais là on parle du niveau au-dessus. Celui où pendant x temps (semaines, mois …), il faudra absolument cet aliment quoi qu’il arrive. Même si ça ne va pas avec le repas. Même s’il y a des tas d’autres choses à manger. Et puis dans certains cas, d’un jour à l’autre, sans prévenir, cette obsession disparaîtra et se transformera en aversion. Cela peut aussi se traduire par des restrictions (ne manger que des portions en nombre impair, qu’avec certains couverts …).

L’apparence, surtout la couleur peut jouer un rôle déterminant. Beaucoup de TSA peuvent avoir une aversion pour certains types de couleurs, si bien que si vous la mettez dans son assiette, l’enfant refusera de manger. Vert, orange … ce n’est pas une question de goût ici mais de visuel. Si un enfant bloque sur son assiette, essayez de demander si quelque chose ne lui convient pas, lui semble moche etc Ainsi, à force, vous arriverez peut-être à déterminer quelle couleur vous devez éviter. Il s’agit là d’une réponse sensorielle (visuelle) disproportionnée mais ô combien gênante.

Troubles sensoriels liés aux textures et TSA sont souvent associés, que ce soit au niveau de l’habillage ou de l’alimentation. Pour certains, ce sera la consistence de certaines pâtes, pour d’autres tout ce qui est gélatineux ou mousseux etc. Quoi qu’il en soit, s’il s’agit de la première bouchée du plat, l’écœurement ôtera toute envie de manger. S’il s’agit de la fin du repas, le moment sera gâché mais au moins l’enfant aura mangé. Identifier la ou les textures problématiques est essentiel car cela peut empêcher l’enfant de manger, alors même qu’il avait faim. Si vous couplez à ça une mauvaise couleur, cela commence à devenir désastreux.
D’ailleurs, bien que l’on en parle peu, certains orthophonistes pensent à mettre en garde: l’eau peut poser de gros problèmes aussi et il est courant pour des personnes TSA de ne pas arriver à boire un verre d’eau sans avoir une profonde nausée.

La proposition de tester une nouveauté culinaire va souvent amener un refus car la peur de la nouveauté et un changement de la routine du repas et de ce qui y était prévu n’est pas agréable.Toutefois, il n’est pas impossible d’introduire de nouveaux aliments. Il ne faut pas forcer et, surtout, les proposer dans les « bons » jours. Et en présence de l’aiment fétiche. Ainsi la nouveauté aura bien plus de chance d’être acceptée.

Et une fois adulte? Que deviennent ces enfants dit « difficiles à table » ?

Adulte, à force d’apprendre et de comprendre les conventions sociales, il est parfois possible d’accepter de faire quelques petits compromis.
Personnellement, mon compromis porte sur la couleur où je suis un peu moins rigide. Un peu.
Pour les textures, et bien, ça ne change pas. Adulte ou enfant, la sensibilité sensorielle provoquée par des textures qui ne nous conviennent pas reste aussi désagréable, quelque soit l’âge. Toutefois, une fois adulte, il est peut-être plus simple de le cacher si l’on est en société.
Les obsessions et habitudes persistent aussi, à la différence que désormais, ce sont nos finances et nos courses. Il est donc un peu plus facile de se nourrir de quelque chose en boucle, d’en acheter dix paquets d’un coup ou de demeurer absolument sur la même marque.

Il est à noter que cette sélection alimentaire couplée à des habitudes atypiques mènent souvent à une nutrition inadéquate [87].

De plus, que ce soit avec un TSA, un TDAH et encore plus avec un TSA + TDAH, demeurer à table pendant de longues périodes est un exercice infernal. Enfant ou adulte. Ne soyez pas cruel, permettez de s’occuper et/ou de se lever. (NB: il est compliqué de demeurer à table avec un SED aussi, mais pas pour les mêmes raisons)
Enfin, commun aux deux aussi, les troubles des fonctions exécutives qui, ainsi, font que la personne « buggue » parfois longtemps devant son plat / entre chaque bouchée. L’action d’aller se faire à manger peut aussi être affectée.

Bibliographie

[87] Janaki Medical College Journal of Medical Sciences (2020) «Autism and Food Selectivity» Sharma et al.

[88] Food Science 2021 « Eating behavior in autism: senses as a window towards food acceptance» Petitpierre et al.

Faire du sport: APA, kinésithérapie … Quelles solutions quand on est malade?

APA = Activité Physique Adaptée

Sportif dans l’âme ou pas du tout, un minimum d’activité physique est nécessaire pour se maintenir, surtout avec des pathologies comme le SED. Toutefois, quand un praticien ou un proche parle de « faire du sport » à un malade, il y a souvent peu de recul pris derrière cette proposition. Peu de recul et parfois peu d’aide.

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En effet, même si rester actif est important, quelque soit la maladie et en dépit de la douleur, il est évidemment dangereux de se lancer dans n’importe quelle activité. Yoga, vélo, équitation … peu importe ce qui peut vous intéresser, il faut d’abord savoir si cela est compatible avec votre pathologie et si oui, avec quels aménagements. Dans cette optique, il faut voir un prof d’APA (présent dans les bilans physiques en hôpital de jour) qui, après évaluation et discussion avec vous, suivi d’une discussion avec les autres intervenants (médecin, kiné etc) pourra vous dire ce qui est recommandé pour vous (avec les mesures de sécurité et ajustements/matériels requis) et ce qui est exclu. Il vous fournira ensuite une brochure avec le ou les centres sportifs faisant des APA autour de vous. Les mutuelles prennent quelques séances d’APA en charge par an.
Si vous préférez vous débrouiller par vous-même (associations sportives, fac, etc), n’oubliez pas les mesures de sécurité données par votre médecin (orthèses, durée de séance max …).

Si malheureusement on ne peut vous proposer d’APA ou alors en plus de l’APA, on vous proposera de faire de la balnéothérapie et/ou de la kinésithérapie. La balnéothérapie n’est pas adapté à tous, on vous dira donc si oui ou non c’est le cas. Si oui, il s’agit d’une activité remboursée. Pour la kinésithérapie, c’est bien sûr pris en charge. Un programme de types d’exercices adaptés pour vous sera noté et vous verrez avec le kiné comment les mettre en place. Au kiné, exercices et massages sont aussi importants l’un que l’autre, notamment dans le SED. Les exercices (pour se maintenir, surtout si c’est votre seule source d’activité) et les massages pour détendre les muscles (très affecté au quotidien).

Exemple de parcours diagnostic (via l’hôpital): TDAH, TSA et dyspraxie

{Cet article répond à une demande sur les réseaux sociaux et à un vif intérêt via sondage.}

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Peu importe la localisation (privé, public …), il existe des acteurs phares pour les diagnostics de TDAH, TSA et dyspraxie qui sont les suivants: psychiatre (TDAH, TSA), ergothérapeute, psychomotricien (dyspraxie), bilan neuropsychologique (TDAH, TSA, dyspraxie) et neurologue (TDAH, dyspraxie). Certains d’entre eux, notamment ergo/psychomot’, ne sont pas remboursés (même si certaines mutuelles prennent en charge une ou deux séances par an). Les bilans neuropsy fait en cabinet ne sont pas remboursés non plus et coûtent chers.

Ainsi, entre la promesse d’un prix élevé et le nombre de personnes à voir, se lancer dans la recherche d’un diagnostic peut paraître effrayant ou démoralisant. Voilà donc un exemple de ce qui peut être fait, avec des frais minimaux.

1- Voir une neurologue pour des troubles de l’attention et de la mémoire (+ autres symptômes physiques pour moi) –> adressage en hôpital de jour avec un test neuropsy ciblé sur la mémoire et l’attention (+ ECG le cas échéant) –> conclusion sur les TDA.

2- Contacter le CRA (ou l’organisme en charge du diagnostic d’autisme dans votre région) par mail –> nom du psychiatre avec lequel prendre RDV (par rapport à votre cas, votre âge) –> première rencontre avec le psychiatre + questionnaire TSA/TDAH/TOC. Adressage à une neuropsychologue pour faire les tests. Là j’ai choisi la voie rapide et donc de payer pour ces tests là. Ce sera la seule dépense pour tous les diagnostics. –> récupération des tests avec conclusion à amener au psychiatre –> diagnostic établi par le psychiatre et lettre.

Ici, j’ai eu mon diagnostic de TSA, celui confirmé de TDAH enfant + suspicion chez l’adulte et confirmation de la dyspraxie.

3- Presque en parallèle du point 2.
Consultation avec un médecin de médecine physique (pas que pour ça à la base)–> adressage en hôpital de jour pour un bilan complet avec ergothérapeute, psychomotricien, kiné, interne –> compte rendu et grosse suspicion de dyspraxie (confirmée définitivement avec les tests neuropsy du point 2) –> adressage en hôpital de jour de neurologie pour des tests neuropsy sur la mémoire (avec le TSA et la dyspraxie dans leur prérequis) –> rendu des résultats par la neurologue qui valide le TDAH adulte (et la dyspraxie et le TSA par la même occasion, vu que ça transparaît aussi).

Ici j’ai donc eu le diagnostic définitif de TDAH.

La durée de tout ça? Presque deux ans.

Le prix? 350 euros, payable en plusieurs fois. Aurait pu être évité si j’avais choisi d’attendre très longtemps pour passer aussi cette batterie en hôpital. Mais je ne regrette pas honnêtement.

Et voilà! J’espère que cela pourra vous aider.

Trouble du traitement auditif et burnout autistique

Bien que certains mécanismes ne soient pas encore bien expliqué par la science, le trouble du traitement auditif chez les personnes TSA (et TDAH) se présente notamment sous forme de « latence » auditive (l’information est entendue mais pas traitée de suite). Ceci se décompose en sous catégories [83]:
– « la file d’attente ». L’information est stockée quelque part et la réponse sera donnée plus tard. Arrive souvent si la personne était en phase d’hyperfocus lorsque l’information a été entendue.
-« récupération et reconnaissance ». La personne demande de répéter (et va être accusé de ne pas avoir écouté) pour finalement dire que « c’est bon en fait » car finalement elle se souvient de la dite information.
-« parasitage et interruption ». Cela arrive pendant les phases d’écriture (manuscrite ou clavier). Si on parle à la personne / s’il y a beaucoup de discussions autour pendant qu’elle écrit/tape, elle va écrire ce qu’elle entend au lieu de ce qu’elle pense, comme parasitée.

(Je me permets là une anecdote personnelle. Cela m’arrive assez souvent quand j’écris mes romans, mais parfois je ne m’en rends compte qu’à la relecture, ce qui donne des phrases assez drôle.)

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Ce qui a par contre été bien étudié et reconnu, c’est ce qui est appelé le « Cocktail Effect » (entendre notre nom dans le brouhaha de conversations). Les personnes avec TSA « n’entendront » pas leurs noms dans des situations avec beaucoup de bruits/conversations car il y aura une surcharge au niveau de l’étape de traitement des données. Il y a une diminution de la puissance des réponses neurales chez les TSA qui est corrélée avec la diminution des capacités de filtrage auditif [84].

Bien que le burnout autistique soit très connu, il est à ce jour très peu décrit dans la littérature [85].
On considère qu’il y a trois caractéristiques principales (épuisement, perte de facultés/skills, tolérance réduite aux stimuli). Les déclencheurs sont des agents anxiogènes (masking autistique, perturbation de la routine, lieux entraînant une sur-stimulation sensorielle, les attentes des pairs) [85].
Le burnout a des conséquences négatives, que ce soit sur la santé, mais aussi au niveau de l’indépendance de la personne et de sa qualité de vie. Il y a souvent un manque d’empathie et de compréhension de la part des autres, notamment avec souvent l’impossibilité de ne pas masquer (ce qui aggrave le problème)[85].
Le burnout autistique est différent de la dépression. Afin de les réduire / les soulager, il faudrait notamment que les personnes n’aient pas à masquer (camoufler les traits autistiques pour se conformer aux règles et pressions sociales). Se remettre rapidement d’un burnout autistique est une priorité chez les TSA adulte [85].

Bibliographie

[83] Feb 2021 « Auditory Processing as an ADHD or Autistic person » Rory’s Reckons

[84] doi.org/10.1002/aur.2356  August 2020 « Neural Evidence for Speech Processing Deficits During a Cocktail Party Scenario in Minimally and Low Verbal Adolescents and Young Adults with Autism » S.Schwartz et al.

[85] Autism in AdulthoodVol. 2, No. 2 Jun 2020 « Having All of Your Internal Resources Exhausted Beyond Measure and Being Left with No Clean-Up Crew: Defining Autistic Burnout » Raymaker et al.

Masking autistique/camouflage social

Le « masking autistique » appelé aussi camouflage social en français est une stratégie sociale, consciente et inconsciente de suppression des réponses autistiques naturelles et de l’adoption, à la place, d’alternatives considérées comme plus adaptées. Cela touche plusieurs domaines: les interactions sociales, l’expérience sensorielle, les mouvements, le comportement et la cognition (capacités cognitives) [86].
Ce camouflage est connu notamment pour ses effets néfastes sur la personne: retard dans le diagnostic, santé mentale altérée, burnout, idées suicidaires [86].

Les comportements caractéristiques autistiques ont longtemps été stigmatisé car vu comme à la limite de la normalité et surtout comme une maladie. Afin d’éviter le plus possible d’être marginalisé, les personnes masquent. Les recherches montrent d’ailleurs que les comportements déshumanisant envers les autistes sont toujours fortement prévalent encore aujourd’hui et que 80% des traits stéréotypés des TSA sont perçus comme négatifs par les autres individus [86]. Ces jugements négatifs mènent à de mauvaises expériences de vie dont le harcèlement. Les personnes se sentent donc obligées de masquer pour se protéger à l’extérieur mais cela implique d’autres conséquences, dont le burnout et l’épuisement [86].

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L’idée qu’une personne autiste puisse supprimer des aspects d’eux-même pour s’intégrer va dans la sens d’une théorie selon laquelle les TSA ne s’intéresseraient pas ou peu aux affiliations sociales (qui est le désir d’interagir et de trouver plaisir en étant avec d’autres personnes. Il s’agit normalement de l’un des traits basique chez l’être humain) [86].

Il est à noter un facteur important:le degré de sécurité et de confiance dans lequel se sent la personne. Cela lui permettra de dévoiler plus ou moins certains aspects de son identité, surtout ceux normalement stigmatisés. Le masking autistique varie donc en fonction du contexte et de l’environnement [86].

Devoir basculer sans cesse entre différents niveau de masking est une source d’augmentation de stress. De plus, plus le camouflage est élevé, plus le stress engendré sera intense. Cela amène inévitablement à une détresse psychologique et à des burnouts. Cela demande aussi beaucoup d’énergie, d’où l’épuisement [86].

L’alexithymie (50% des TSA ) est un défaut de mentalisation des émotions, où les sensations corporelles sont peu ou pas associées à des états mentaux. Cela affecte aussi la capacité à parler de ses propres émotions et des troubles de l’empathie. Les personnes affectées ont donc des difficultés à s’auto réguler et, ainsi, elles ne réalisent pas que leur stress augmentent trop jusqu’à atteindre le point de non retour On considère qu’environ la moitié des TSA en sont atteints [86].

La suppression des mécanismes de défense de la personne (à cause du masking) ajouté aux autres difficultés peut être potentiellement désastreux et mener à des problèmes à long terme au niveau santé mentale et bien-être [86].

Bilbiographie

[86] Autism in AdulthoodVol. 3, No. 1 Mar 2021 « A Conceptual Analysis of Autistic Masking: Understanding the Narrative of Stigma and the Illusion of Choice » Amy Pearson and Kieran Rose

L’autisme à l’âge adulte

Parce que même si dans les médias on parle plus souvent des enfants et jeunes ados, lorsqu’il s’agit de santé … probablement parce que c’est censé être bien plus touchant, tout continue à l’âge adulte. Différemment, certes, mais quand arrive la majorité, on restera autiste, dys, anxieux ou avec les maladies physiques qui étaient déjà là.

{Chaque personne est différente et, bien sûr, selon les co-morbidités et l’environnement géographique et social de l’individu, un tel texte peut se révéler moins représentatif. Cela reste un type de vécu. Un exemple. Et je ne parlerais pas de ce qui est plus lié à l’hyperactivité ou à la dyspraxie.}

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Comprendre et appréhender le monde qui nous entoure est censé devenir de plus en plus facile avec l’âge. Mais quand ce monde, ou plutôt ce qui fait la normalité vous a toujours semblé obscur, c’est plus difficile. Bien sûr, on copie, on s’adapte. À chaque situation, une réaction appropriée. Plus ou moins. Heureusement qu’il y a des personnes pour nous éclairer sur certains points. Pour ma part, ce que je ne comprends presque jamais c’est la réaction du plus grand nombre à des événements (attentats, annonce d’une loi paraissant anodine, disparition d’une célébrité) ou pourquoi beaucoup de personnes voit le mal (et s’offusque) de certains articles de journaux. Dans ma pensée, ce n’est ni cohérent et logique. Avant, je ne posais même pas la question. Maintenant, parfois, par pure curiosité, j’interroge (notamment une amie qui est devenue ma référente d’explications). Cela ne changera pas mon avis propre, mais cela m’apportera des données pour mieux comprendre les autres.

J’ai souvent entendu que je ne réagissais pas ou que j’avais l’air froide et distante. C’est probablement un mélange de plusieurs choses: j’ai des émotions évidemment, mais pas forcément de l’importance attendue par rapport à un événement. Certaines choses, insignifiantes, seront beaucoup plus importantes pour moi. Et puis, j’ai de l’empathie sélective. Quand j’apprécie quelqu’un aucun soucis, ça se verra. Mais quand je n’apprécie pas, il en va de même, bien que la plupart des personnes me laisse neutre. Mais neutre, vraiment. Effort minimal, que ce soit de conversation ou de dépense d’énergie. Juste assez pour la politesse et la bienséance.

Etre adulte c’est aussi devoir faire des tâches diverses comme passer des appels téléphoniques. Hormis une poignée « d’élus » (qui se comptent sur les doigts d’une main), appeler signifie devoir préparer l’appel avant. Préparer puis choisir un créneau dédié. Préparer, planifier et retarder. Puis parfois, quelqu’un d’autre appellera si le délai est presque dépassé ou s’il fallait se dépêcher. À l’heure des mails et du tout numérique, être encore contraint de passer par le téléphone pour des tâches administratives me semble si absurde.

C’est aussi pas, peu ou mal s’intégrer sur son lieu de travail. Il y a des nouveaux codes, de nouvelles personnes, d’autres habitudes. Et même si l’on ne recherche pas spécialement à se faire des amis, il faut tout de même se sentir bien là où l’on va passer plusieurs heures par jour. Tous les jours. Se sentir bien et que personne ne vous trouve trop bizarre non plus, si vous comptez évoluer dans l’équipe en question.

C’est mettre longtemps à faire les magasins, car les vêtements n’auront pas la bonne texture ou la bonne couleur. C’est mettre du temps à se préparer pour aller travailler car la tenue préparée la veille, ce matin-là, la texture n’est pas tolérable et qu’il faut en trouver une autre. C’est refuser de manger voire même de goûter certains plats, au risque de paraître impolie, juste car il s’agit d’une texture que l’on ne supporte pas avoir dans la bouche. C’est devoir porter des lunettes de soleil sous un ciel gris ou presque pluvieux car le peu de lumière fait mal aux yeux et la migraine en résultant n’en vaudrait pas la peine. C’est les sons trop forts qui font mal, car la protection auditive a été oubliée. Et de ces faits, c’est avoir l’air étrange.

C’est refuser certains types de sorties et mal gérer les imprévus ou les changements d’emploi du temps. C’est devoir réfléchir à son comportement: ne pas se balancer sur sa chaise, ne pas trop bouger, ne pas répondre de façon trop honnête. C’est devoir se rappeler soudainement qu’il faut regarder les gens quand on leur parle, lever soudain les yeux pour faire bien, et détourner le regard de nouveau. C’est n’avoir aucune idée de ce que représente les émotions sur le visage d’un personnage (avec un acteur réel) dans un film ou une série à moins d’y voir des larmes ou d’entendre rire. C’est remarquer des détails de l’intrigue mais avoir oublié de quoi parle le film.C’est aussi parfois arrêter subitement de parler pendant une sortie parce qu’il y a trop d’informations à traiter et chérir le calme et la solitude pour se remettre.

Après tant d’années à masquer pour faire comme les autres, pour avoir l’air un peu plus normal devant leurs yeux, on finira par oublier que vous êtes mal à l’aise dans des tas de situations, si bien que vous finirez par avoir détesté ce moment et serait épuisé chez vous en rentrant. C’est maudire certains événements obligatoires alors qu’on pourrait faire quelque chose de non contraignant ou de moins agressif.

Toutefois, c’est aussi avoir des amis et une famille, qu’elle soit de sang ou de cœur, extraordinaire. Ces personnes avec qui je suis à l’aise et avec qui je peux me détendre. C’est savoir s’occuper seule. C’est pouvoir donner un autre point de vue sur une situation. C’est aimer tout planifier, notamment des futurs voyages. C’est avoir des connaissances sur des sujets précis et aucune sur de la « culture » commune.
Mais c’est aussi, à partir d’un certain âge, moins se préoccuper de ce que les autres peuvent penser. Commencer à se dire que ça n’a aucune espèce d’importance que des inconnus nous trouve bizarre. Se balancer sur sa chaise dans une salle d’attente parce que c’est plus agréable ainsi. Ne pas se forcer à lever le regard pour parler avec des gens si l’on ne se sent pas. Masquer un peu moins pour économiser de l’énergie.
C’est juste être soi-même, mais beaucoup plus souvent.

Troubles du spectre de l’autisme (TSA)

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA) sont un trouble du développement caractérisé par un déficit dans les communications/interactions sociales et des comportements répétitifs [59]. Seul 30% des TSA ont un déficit intellectuel. Par contre, 60 à 80% d’entre eux présentent au moins une co-morbidité psychiatrique tel que le TDAH (trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité), l’anxiété [59] et les troubles obsessionnels compulsifs [63]. Dorénavant, les troubles attentionnels sont reconnus comme la plus commune des co-morbidités chez les TSA avec, en plus, une grosse prévalence de TDAH. Ces problèmes d’attention sont associés avec la diminution des capacités d’adaptation [59].

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Il existe des critères de diagnostic officiels [61] :
Catégorie 1: difficultés de communication/interaction sociale.
*déficit dans la réciprocité des émotions dans un contexte social, échec à initier/répondre à une interaction, à maintenir une conversation.
*déficit dans la communication non-verbale. Anomalies dans le langage corporel (ne regarde pas dans les yeux, n’a pas ou peu d’expression faciales …)
*déficit dans la capacité à développer et maintenir des relations.
Catégorie 2: comportements à motifs réguliers.
*mouvements moteurs répétitifs ou stéréotypés, utilisation d’objets (les aligner, les retourner …), paroles (écholalie, répétitions de phrases …)
*être inflexible sur les routines, rituels, insistance de conserver les habitudes (même trajet …)
Catégorie 3: les intérêts spécifiques
Catégorie 4: hyper ou hypo réactivité aux stimuli sensoriels: sons, odeurs, textures …
Catégorie 5: les symptômes peuvent être masqués par la personne grâce à des stratégies d’adaptation apprises en grandissant et selon les situations.
Catégorie 6: Il faut préciser s’il y a déficit intellectuel ou non.

On retrouve une forte prévalence des troubles du sommeil chez les TSA, avec 50 à 80% des patients qui souffrent d’insomnies [61]. Une étude menée chez les enfants met en lumière quatre points problématiques [60] :
– une résistance au fait d’aller dormir
– l’anxiété
– de gros délais d’endormissement
– avoir sommeil la journée

Les fonctions exécutives sont l’ensemble des processus mentaux qui dirigent les pensées des individus, leurs actions, leurs émotions … notamment quand il y a un problème à résoudre. Ces fonctions incluent notamment [59]:
– la capacité à discerner le but approprié pour une tâches spécifique
– planifier et organiser une approche pour résoudre un problème
– savoir faire abstraction des distractions
– utiliser un raisonnement abstrait
– initier une tâche
– faire preuve de flexibilité si une nouvelle chose à tester se présente
Bien que les difficultés varient selon les individus, il a été globalement trouvé que les deux derniers points sont les plus souvent très déficitaires.

Souvent chez les TSA, le fonctionnement moteur (proprioception) est défectueux [59].

Il existe désormais de nombreux questionnaires neuropsy permettant le diagnostic [59].

Une fois que la personne est diagnostiquée, il est important qu’elle ait un suivi personnalisé en fonction de ses particularités [59]. La plupart des adultes TSA ont des interactions sociales limitées, moins de perspectives de carrière et un fort taux de problèmes mentaux. Toutefois, cela varie aussi selon les conditions de vie de la personne et de son entourage direct [62].

Bibliographie

[59] Current Psychiatry Reports (2021) 23:63 « Neuropsychological Assessment in Autism Spectrum Disorder » Megan L. Braconnier · Paige M. Siper

[60] BMC Psychiatry (2021) 21:406 « Sleep problems in children with autism spectrum disorder: a multicenter survey » Chen et al.

[61] 2016 aafp.org « Autism Spectrum Disorder: Primary Care Principles » KRISTIAN E. SANCHACK et al.

[62] 2017 doi: 10.1097/YCO.0000000000000308 « Autism spectrum disorder outcomes in adulthood » Howlin, Patricia; Magiati, Iliana

[63] 2018 Curr Psychiatry Rep. ; 19(12): 92. doi:10.1007/s11920-017-0846-y. « Anxiety Disorders and Obsessive-Compulsive Disorder in Individuals with Autism Spectrum Disorder » Valentina Postorino, Connor M. Kerns, Giacomo Vivanti, Jessica Bradshaw, Martina Siracusano, and Luigi Mazzone

Dyspraxie

Il y a malheureusement peu de recherches et de littérature sur la dyspraxie.

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La dyspraxie est un trouble développemental de la coordination (TDC). Le TDC affecte l’apprentissage de certaines compétences (donc les loisirs, la conduite …) mais aussi la vie quotidienne que ce soit dans la scolarité (notamment pour écrire) ou chez soi (cuisiner …) [64].

La dyspraxie touche aussi bien la planification, la réalisation, la coordination et l’automatisation des gestes volontaires. Il peut y avoir des problèmes de langages (notamment dans l’articulation des mots). La motricité fine pose problème et on retrouve une fatigue chronique chez le patient, notamment l’enfant.
Les enfants dyspraxiques sont en général dysgraphiques, ce qui pose problème à l’école. La géométrie, le sport, les activités manuelles vont souvent poser problème.
Elle peut être associée à la dyscalculie, dyslexie ou dysorthographie [65].

Bibliographie

[64] HRB Open Research 2021, 2:28 Last updated: 25 JAN 2021 « Children and young people’s experiences of living with developmental coordination disorder/dyspraxia: study protocol for a qualitative evidence synthesis » Áine O’Dea, Susan Coote, Katie Robinson

[65] https://www.france-assos-sante.org/

Dépression, troubles borderlines et anxiété

En 2018 [2] et 2015 [3], le lien entre dépression, anxiété, troubles borderlines et SED a été étudié.
Avec le temps, il y a de plus en plus de preuves d’une prédominance de maladies psychiatriques chez les patients SED et la plupart d’entre eux ont des comorbidités psy, dont principalement: dépression majeure, anxiété généralisée et troubles borderlines. On trouve aussi une fréquence non négligeable [4] de troubles compulsifs de l’alimentation et de mésusage de drogues ou de tabac.
Il y a la possibilité d’avoir des diagnostics borderline car souvent ce sont des patients qui peuvent dissocier. On remarque d’ailleurs un plus grand nombre de cas de tentative de suicide dans cette population de patients.

Trouver un lien si fort entre anxiété et SED a été inattendu [4]. Une hypothèse biologique a été proposée en plus du fait que les symptômes psy soient une conséquence d’adaptation pour traiter avec une maladie chronique. En effet, les patients atteints de maladies chroniques (notamment celles entraînant douleurs ou fatigue chronique) sont très sujet au stress. Et quelles sont donc les explications biologiques?
– des risques génétiques
– une dysfonction du système nerveux autonome
– une variation dans le traitement des émotions
– une amplification somato sensorielle
– une sensibilité intéroceptive: une meilleure signalisation et perception des sensations internes du corps
– peut-être une duplication au niveau du chromosome 15, mais ce n’est pas encore sûr.

Il existe ainsi trois principales lignes de recherche dans la compréhension de l’anxiété dans le SEDh/HSD [24]:
– prédisposition génétique
– dysfonction système nerveux autonome
– structure cérébrale et hypermobilité

Beaucoup de patients SED prennent des antidépresseurs (AD) [4][5]. Le problème est que lesdits patients sont très sensibles aux effets secondaires et les AD peuvent même augmenter l’anxiété. Seuls les AD tertiaire tricyclique sont conseillés pour leur effets cholinergique. Dans tous les cas, il faut toujours commencer par des doses très faibles.

Bibliographie

[2] DOI: 10.7759/cureus.3760  » Recurrent Depression and Borderline Personality Disorder in a Patient with Ehlers-Danlos Syndrome » Eduardo D. Espiridion , Allison Daniel , Joshua R. Van Allen

[3] Berglund et al. BMC Musculoskeletal Disorders (2015) 16:89 DOI 10.1186/s12891-015-0549-7 « Self-reported quality of life, anxiety and depression in individuals with Ehlers-Danlos
syndrome (EDS): a questionnaire study « 
Britta Berglund, Carina Pettersson, Maritta Pigg and Per Kristiansson

[4] Current Psychiatry Vol. 17, No. 4 « Anxiety and joint hypermobility: An unexpected association » Andrea Bulbena-Cabré, Antonio Bulbena

[5] The EDS Society 2017 « Psychiatric and psychological aspects in the Ehlers-Danlos Syndromes », Antonio Bulbena et al

[24] Published book 2017 « Understanding hypermobile Ehlers-Danlos syndrome and hypermobility spectrum disorder » Claire Smith

Y a t-il un lien entre l’autisme, le TDAH et le SED?

Il existe des symptômes communs entre TSA et SED/HSD [7]:
– dysphagie
– maladresse
– intolérance alimentaire
– hypermobilité
– défaut de proprioception
– problèmes de sommeil
– etc

Les patients avec un TSA ont beaucoup de comorbidités [6] et seulement 16% d’entre eux sont en bonne santé physique. Toutefois, les comorbidités somatiques sont très peu étudiées chez ce type de patient.

Bien qu’il y ait de plus en plus de recherches montrant que la coexistence des troubles du spectre de l’autisme (TSA) et SED arriveraient plus souvent que ne le voudrait la chance [6], il n’y a pour l’instant aucun lien officiel établi entre les deux. On ne peut pas, à l’heure actuelle, déterminer s’il existe un réel lien de co-morbidité entre les deux [8]. Les études tendent plutôt à renforcer une relation étiologique entre TSA et SED [8].

Une toute nouvelle étude de 2021[76] a souhaité examiner à nouveau l’hypothèse comme quoi les enfants avec un HSD/SEDh ont plus de chance d’être aussi TSA mais aussi TDAH (trouble du déficit de l’attention/hyperactivité) par rapport à la population classique. Ils ont trouvé une forte association entre HSD/SEDh et aussi bien le TSA que le TDAH. Ici, le taux d’enfants HSD/SEDh et TDAH (avec un diagnostic confirmé dans les deux cas) est trois fois supérieur que dans la population normale. Dans le cas du TSA, c’est deux fois supérieur. Il n’y a pas encore d’explication claire quant à ces résultats mais, actuellement, une nouvelle étude est en cours, regroupant TSA, TDAH, hypermobilité, fatigue et douleur. L’équipe propose aussi d’étudier les troubles du sommeil chez ses patients qui sont, semblent-ils, très présents. [76].

Bibliographie

[6] published: 07 December 2018 doi: 10.3389/fpsyt.2018.00656  » Autism, Joint Hypermobility-Related Disorders and Pain » Carolina Baeza-Velasco, David Cohen, Claude Hamonet, Elodie Vlamynck, Lautaro Diaz, Cora Cravero, Emilie Cappe and Vincent Guinchat

[7] Type : Similarities in clinical presentation. Article ·January 2016 « Autism Spectrum Disorders and Ehlers-Danlos Syndrome Hypermobility » Carolina Baeza-Velasco, Amaria Baghdadli

[8] Behav. Sci. 2018, 8, 35; doi:10.3390/bs8030035  » A Cohort Study Comparing Women with Autism Spectrum Disorder with and without Generalized Joint Hypermobility » Emily L. Casanova, Julia L. Sharp, Stephen M. Edelson, Desmond P. Kelly and Manuel F. Casanova

[76] Neuropsychiatric Disease and Treatment 2021:17 379–388 « Prevalence of ADHD and Autism Spectrum Disorder in Children with Hypermobility Spectrum Disorders or Hypermobile Ehlers-Danlos Syndrome: A Retrospective Study » Erik Kindgren et al.